En théorie, tout va bien
La traductologie, aussi appelée Translation Studies en anglais, est une discipline pour le moins mystérieuse et complexe, ce qui en fait une matière très ésotérique, parfois obscure même pour les professionnels de la traduction.
Quelle est la différence entre la traduction et la traductologie ?
Même si la traduction est une discipline relativement ancienne (les scribes de l’Egypte antique traduisaient déjà des textes) et utile (Umberto Eco qualifie la traduction de langage de l’Europe), la traductologie est une science relativement récente. Elle a été réellement définie dans la seconde moitié du XXè siècle, en 1972, sous la plume de James Holmes dans un article intitulé « The Name and Nature of Translation Studies », qui a du coup donné le nom anglais définitif à cette discipline, tandis qu’en français, elle a oscillé entre plusieurs appellations (« science de la traduction », ou même plus ésotérique : « translatologie », sûrement dû au fait qu’au Moyen-Age, on ne parlait pas de « traducteur » mais de « translateur »…)
Le champ d’étude de cette science est également flou : tandis qu’elle est souvent classée parmi les sciences humaines, comme cela peut paraître logique, certains en font un science naturelle ! En fait, tout comme les langues en elles-mêmes, la traductologie est d’abord une question de point de vue, et plus particulièrement du point de vue de celui qui l’étudie : soit on s’intéresse davantage aux mots, au texte ; soit on se focalise plus sur l’individu, le comportement du cerveau, etc…C’est cette interdisciplinarité qui rend la traductologie si complexe. Si on la classe uniquement dans la catégorie « sciences humaines », on conserve encore cette interdisciplinarité : science du langage et terminographie semblent faire partie intégrante de cette science, mais comme tout langage dépend du contexte dans lequel il est produit, on peut s’intéresser également à la sociologie, à la psychologie, à l’histoire… Le problème est donc de délimiter clairement les champ de la traductologie.
Et c’est James Stratton Holmes qui s’en charge. Pour lui, la traductologie se divise en deux branches complémentaires : la traductologie théorique et la traductologie appliquée. Ces deux aspects ne doivent pas être conçus et étudiés séparément, mais bien ensemble, les deux s’influençant mutuellement. La traductologie théorique guide la traductologie appliquée, mais la traductologie appliquée donne aussi des leçons permettant d’enrichir la traductologie théorique. Toutefois, Holmes admet que la traductologie peut être approchée sous différents angles : on peut tout aussi bien étudier le « produit », c’est-à-dire, pour simplifier, le texte, ou bien s’intéresser exclusivement au « processus », autrement dit le déroulement de la traduction, où bien étudier les deux à la fois. Lorsque la traductologie s’intéresse au « processus », on distingue la traductologie interne (uniquement le processus de traduction) et la traductologie externe (la traduction envisagée comme produit de facteurs économiques, politiques, sociologiques…). Avec Holmes, le champ d’étude de la traductologie reste tout aussi large, c’est surtout son approche qui est définie. Maintenant que l’on sait le comment de cette discipline, attachons-nous au pourquoi.
La traductologie est une science qui a pour but de comprendre la traduction, ses mécanismes et ses difficultés. On peut se servir dans un but pratique du savoir qu’elle procure de plusieurs façons : la manière « classique », à savoir dans le but de former les traducteurs à leur futur métier ; ou bien dans le but d’ « automatiser » la traduction, ce qui implique que la traduction n’est pas seulement une science humaine, car elle pourrait être réalisée à l’aide d’un simple logiciel. En effet, la traductologie sert depuis des années à créer et améliorer des logiciels de traduction automatiques et des logiciels de traduction assistée par ordinateur (TAO). Avec la mondialisation, on comprend alors l’importance de la traductologie.
Néanmoins, la traductologie est à la traduction ce que la théologie est à la foi : passionnante, mais sans grand rapport avec elle.