Le bilingue n’est pas celui que vous croyez
Il y a quelques décennies en France, l’on se vantait volontiers d’être « nul en anglais ». Depuis, le nombre de personnes se déclarant « bilingue » a cru spectaculairement.
Mais avant de définir ce qu’est une personne bilingue, on peut énumérer ce qu’elle n’est pas.
Ce n’est pas quelqu’un qui a passé 6 mois en Irlande, 10 ans aux Etats-Unis ou 35 ans en Allemagne
Ce n’est pas quelqu’un qui a des facilités à traduire
Ce n’est pas quelqu’un qui est forcément très bon en rédaction, en orthographe et avec une très vaste culture générale
Si ce mot a un sens, c’est plutôt :
Quelqu’un qui a pratiqué, a été élevé, et a continué à pratiquer deux langues, au même niveau de maîtrise
Penser (mais aussi rêver, compter…) dans une langue ou une autre et non la traduire, penser directement dans chacune des deux langues, c'est-à-dire passer d’un système à un autre sans traduction consciente.
Non seulement être bilingue ce n’est pas être traducteur, mais nous avons constaté plus d’une fois que certains de nos meilleurs traducteurs (et pas seulement en russe ou en chinois) étaient incapables d’exprimer des choses simples dans un français correct. Traduire n’est pas parler.
On ne devient pas bilingue
La recherche récente sur le cerveau a mis en évidence les différences dans l’activation des régions cérébrales, selon qu’on est bilingue avant l’âge de 3 ans ou qu’on a appris une seconde langue plus tardivement.
Si une personne plus ou moins bilingue a un avantage pour devenir traducteur (sa relative connaissance des deux langues), il a aussi le handicap de ne pas maîtriser les techniques de passage d’une langue à l’autre, qui nécessitent un apprentissage ou à défaut une longue pratique. Sans compter qu’il lui faudra rédiger correctement et avec une bonne orthographe. Et disposer d’une vaste culture générale, ce qui n’exclut pas une spécialisation dans tel ou tel domaine.
A retenir
Cela fait partie des paradoxes de la traduction, mais si tant de traductions sont si mauvaises c’est que l’on confère à une personne supposée « parfaitement bilingue » des capacités qu’elle n’a pas. Il ne viendrait à l’esprit de personne de confier sa comptabilité à quelqu’un qui est bon en calcul mental. D’ailleurs la personne qui est douée en calcul mental sait qu’elle ne connaît rien à la comptabilité, alors qu’une personne bilingue ne sait pas que la traduction est une technique et pas seulement un talent.
D'une certaine manière, être traducteur ou être bilingue, il faut choisir.