Cher(e) collègue,
Vous êtes diplômé(e), bravo !
Je ne sais pas pourquoi vous avez choisi ce métier, sans doute que vous aimiez les langues, les voyages et les cultures exotiques. Ou que vous étiez plutôt littéraire, mais que vous vous êtes dit qu’une khâgne, c’était vraiment trop dur. Ou bien vous vous êtes dit que sûrement, avec l’Europe à 28, il y aurait une place pour vous au sein des institutions européennes ou au pire dans une agence de traduction. Ou alors vous avez tout simplement des facilités pour les langues. Mais attention : il ne suffit pas d’être bilingue pour être traducteur, pas plus qu’il ne suffit de savoir compter pour être comptable.
Aujourd’hui, n’importe quelle personne maîtrisant plus ou moins deux langues peut se prétendre traducteur. C’est une profession qui n’est pas (encore) réglementée. Mais il existe des formations à la traduction et à l’interprétariat, probablement d’un assez bon niveau sur le plan théorique.
Fraîchement diplômé(e) donc, vous voilà découvrant d’autres réalités. A l’école où l’on vous a appris que vous excelliez dans l’art de la traduction, vous avez pu faire un ou deux stages, le plus souvent dans des entreprises pas toujours très scrupuleuses, profitant de l’aubaine que représente de la main d’œuvre quasi-gratuite, mais traduisant, ce qui fait toujours une ligne de plus dans un CV. Mais comme autour de vous tout le monde est dans le même cas, vous vous dites que c’est normal.
Rares sont les universités, les institutions, les enseignants qui se sont préoccupés de vous dire ce qui vous attendait. Après tout ils sont là pour enseigner et dispenser des diplômes, pas pour vous dire ce qui vous attend dans le monde réel. D’ailleurs, sont-ils les mieux placés pour en parler ? Sans doute que non. Et comme personne ne se sent concerné, et que je suis consterné par votre impréparation à la vie professionnelle, j’essaie de vous décrire le monde de la traduction comme je le vois. Si ma vision des choses n’est pas entièrement juste, cela sera toujours mieux que rien…
80% d’entre vous seront freelance, par choix ou par nécessité, alors qu’à 80% vous avez commencé vos études en vous voyant comme salarié(e). Parce que vous pensez que c’est sécurisant ou formateur. J’ai moins de certitudes que vous sur ce sujet. En revanche, l’idée que vous vous faites du freelance est probablement à revoir (c’est risqué, il vaut mieux se mettre à son compte une fois qu’on a un peu d’expérience, c’est compliqué, il faut gérer trop d’aspects qui ne m’intéressent pas…).
Dans tous les cas, voici ce qui me paraît indispensable :
- taper à la machine avec ses dix doigts, avoir une orthographe parfaite
- une culture vraiment générale : littéraire, économique, technique, scientifique, artistique, entrepreneuriale…
- bien maîtriser les logiciels, les formats, les sources d’information, les moteurs de recherche, l’organisation de ses mails, l’organisation et la sécurité informatique
- des notions de droit et de gestion
- des notions de ce qu’est un client, une entreprise, et de leurs contraintes
- discuter avec des freelances établis depuis moins de 3 ans, afin de comprendre ce qui leur manque.
Faut-il être spécialisé ou généraliste ?
Faites ce que vous voulez, mais pensez qu’il faut être à la fois crédible et bon. Personnellement je suis extrêmement sceptique lorsque je vois des CV de personnes qui disent être spécialisées dans plus de trois domaines ou qui traduisent plus de deux couples de langues. Etre doué en langues ne fera pas forcément de vous un bon traducteur.
Bref, il faut un peu d’expérience avant de devenir un traducteur acceptable, et non seulement des diplômes.
Pour moi c’est un métier à la fois intéressant, que l’on peut exercer avec une assez grande liberté et avec honnêteté. Ces deux seules caractéristiques en font pour moi non seulement un beau métier, mais un métier assez exceptionnel de ce point de vue.
Tout ceci n’est que mon avis et est très parcellaire, mais j’espère au moins vous avoir donné un éclairage utile sur ce métier que vous envisagez ou qui commence pour vous.